C’est quoi une nébuleuse ?
Les nébuleuses sont pour certaines des résidus d’étoiles mortes, et d’autres au contraire des pouponnières où naissent de nouvelles étoiles. Leur point commun est qu’elles sont toutes deux constituées de gaz et de poussières. Ce sont d’immenses nuages qui peuvent avoir des formes et des couleurs variées, et qui se trouvent au sein des galaxies, dans le milieu interstellaire. La couleur d’une nébuleuse dépend des éléments chimiques qui la composent. Certaines nébuleuses sont très anciennes et ont une origine qui remonte à la formation de la galaxie hôte. D’autres sont plus jeunes, provenant des étoiles en fin de vie ou d’étoiles encore actives. Leur composition dépend alors de celle des l’étoiles dont elles sont issues, qui elle-même dépend principalement de l’âge et de la “généalogie” de ces étoiles.
En effet, les étoiles ne se sont pas toutes nées en même temps. Certaines sont très anciennes et ne contiennent que des éléments provenant de la matière primordiale, c’est-à-dire de l’hydrogène et de l’hélium. Au début de l’univers, l’espace contenait uniquement ces deux éléments, créés lors du Big Bang. Les étoiles nées dans cette époque reculée sont dites de population III. Ce sont des étoiles très anciennes qu’on observe seulement dans les galaxies très éloignées. Ce type d’étoiles est donc absent de la Voie Lactée.
D’autres étoiles, au contraire, se sont formées récemment (à l’échelle des temps astronomiques), et donc la matière qui les compose est issue de plusieurs générations d’étoiles. Au cours du temps, cette matière s’est progressivement enrichie en éléments lourds, car ces derniers sont créés principalement au cœur des étoiles et dans les supernovæ. Les astronomes parlent de métallicité, les métaux désignant (pour les astronomes, qui n’ont pas la même définition que les chimistes) tous les éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium. Ainsi, les étoiles de population III (c’est-à-dire les plus anciennes) ont une métallicité nulle. Tandis que les étoiles de population I, et donc les nébuleuses qui en sont issues, sont riches en métaux.
La composition d’une nébuleuse peut être mesurée par spectroscopie, c’est-à-dire par décomposition des différentes couleurs de la lumière, qui révèle la présence d’éléments chimiques grâce à leurs raies d’émission ou d’absorption.
L’histoire des nébuleuses
Les nébuleuses sont connues depuis relativement peu de temps. La galaxie d’Andromède avait bien été repérée au Xe siècle et décrite alors comme un objet nébuleux. Mais il a fallu attendre l’invention de la lunette astronomique, et surtout du télescope, pour que cette catégorie vienne enrichir le bestiaire des objets célestes. En effet, ces objets sont très diffus et impossibles à observer à l’œil nu. À l’époque des premières découvertes, la nature de ces nébuleuses n’était pas comprise. La science astronomique n’était pas alors élaborée comme elle l’est aujourd’hui, de sorte qu’on ne comprenait pas les processus physiques à l’origine des phénomènes observés dans le ciel.
Bien qu’incomprises, les nébuleuses étaient observées, et même cataloguées. Le premier catalogue, ou du moins le plus célèbre, est celui de Charles Messier. Cet astronome a répertorié un peu plus d’une centaine d’objets de nature nébuleuse. En fait, il ne s’intéressait pas aux nébuleuses en elles-mêmes, mais plutôt aux comètes. Il était bien compris au XVIIIe siècle que ces deux types d’astres étaient de nature différente. Les nébuleuses étaient vues comme fixes sur la voûte céleste et semblaient aussi éternelles que les étoiles, tandis que les comètes étaient connues pour être des phénomènes passagers. C’est pour bien les différentier et ne pas les confondre que Messier a constitué son catalogue de “nébuleuses”. Celui-ci est encore utilisé aujourd’hui par les astronomes amateurs et constitue une référence dans la découverte des objets célestes.
Un de ces objets nébuleux a un statut particulier, il s’agit de la galaxie d’Andromède. Nous avons dit qu’elle avait déjà été observée au Xe siècle, et elle a aussi été répertoriée par Messier sous le numéro M31. En fait, il a fallu attendre le début du XXe siècle pour que les astronomes comprennent que M31 n’était pas une nébuleuse mais une galaxie. Edwin Hubble (qui a donné son nom au célèbre télescope spatial) a compris que cet objet était bien plus éloigné de nous que toutes les étoiles qu’on pouvait distinguer dans le ciel, tellement éloigné qu’il constituait une galaxie d’étoiles à part entière. La notion de galaxie était née et forme aujourd’hui une catégorie bien distincte des nébuleuses. Ces dernières se trouve au sein des galaxies.
Les différents types de nébuleuses
Il y deux manières différentes de classer les nébuleuses. On peut les différentier selon leurs propriétés optiques, ou selon le phénomène physique qui les a formées. Si on considère leurs propriétés optiques, il y a deux grandes familles : d’une part les nébuleuses diffuses, d’autre part les nébuleuses obscures. Si on considère le phénomène physique qui en est à l’origine, on distingue six principaux types de nébuleuses : les nébuleuses planétaires, les rémanents de supernova, les bulles de Wolf-Rayet, les globules de Bok, les régions HII et les nuages moléculaires.
Les nébuleuses selon leurs propriétés optiques
Les nébuleuses diffuses
Cette famille de nébuleuses peut être divisée en deux catégories : les nébuleuses par émission et celles par réflexion.
Pour comprendre ce qu’est une nébuleuse par émission, nous devons d’abord comprendre comment un gaz réagit avec la lumière. Cette dernière est composée de photons, qui sont des particules de lumière qui transportent une certaine quantité d’énergie. Lorsqu’un photon rencontre un atome et que son énergie est suffisante, il est absorbé par un électron de l’atome, qui se retrouve alors dans un état excité. L’électron peut même être éjecté de l’atome et emporter toute l’énergie du photon si cette énergie est très élevée. On se retrouve alors avec, d’une part un ion (un atome à qui il manque un électron), et d’autre part un électron libre. Ensuite, lorsque par hasard cet électron libre rencontre un autre ion, les deux se recombinent en passant par des niveaux d’énergie successivement de plus en plus bas. En effet, un atome tend toujours vers son niveau le plus stable, qui correspond au niveau d’énergie des électrons le plus bas. Le phénomène s’accompagne de l’émission de plusieurs photons dont l’énergie correspond à la différence entre chacun de ces niveaux (car chaque électron peut avoir plusieurs niveaux d’énergie).
À partir de là, nous pouvons décrire le mécanisme des nébuleuses par émission. Celles-ci sont constituées principalement d’hydrogène neutre (HI). Lorsque la nébuleuse est soumise à des rayonnements UV provenant d’étoiles voisines, ses atomes d’hydrogène sont ionisés (HII). La nébuleuse est alors à une température dite tiède, de l’ordre de 10 000 K (environ 10 000 °C). Les ions qui se sont formés tendent naturellement à revenir vers leur état stable, mais ne peuvent le faire que lorsqu’ils rencontrent des électrons libres. Lorsque cette rencontre se produit, elle s’accompagne de l’émission de photons, dont certains se trouvent dans le domaine visible. Les nébuleuses par émission sont majoritairement perçues comme rouges, la couleur correspondant à la longueur d’onde de la raie hydrogène notée H alpha.
De leur côté, les nébuleuses par réflexion sont des nuages de gaz et de poussière froids. Elles ne reçoivent pas de lumière suffisamment énergétique pour que leur gaz soit ionisé. En revanche, elles reflètent la lumière d’étoiles voisines. Étant partiellement constituées de poussière, la lumière subit le même effet que sur Terre lorsqu’elle traverse l’atmosphère, sa diffusion fait que sa couleur tend vers le bleu. Mais elle le fait de manière plus intense que sur Terre car les nébuleuses contiennent une quantité de matière bien plus importante, qui se compte en masse solaire (en plusieurs fois la masse du Soleil). Ainsi, les nébuleuses par réflexion sont majoritairement vues de couleur bleue.
Les nébuleuses obscures
Les nébuleuses obscures sont des nuages interstellaires froids (avec une température de l’ordre de 10 K, soit environ -263 °C), contenant du gaz et des poussières. Elles ont des caractéristiques proches des nébuleuses par réflexion, qui contiennent également de la poussière. Mais leur densité et leur volume sont très supérieurs, si bien que les nébuleuses obscures ne laissent pas passer la lumière des étoiles en arrière-plan. On parle d’extinction. En fait, lorsqu’on mesure la densité de la nébuleuse, ce qu’on mesure réellement est la densité de la colonne de gaz et de poussières, qui s’exprime en nombre de particules par unité de surface (en général par cm2). En effet, la distance et l’épaisseur de la nébuleuse ne sont pas connues a priori. La seule mesure connue avec certitude est ce qui est détecté le télescope, qui est le cumul de toute la lumière reçue en provenance d’une direction donnée de l’espace. La distance et l’épaisseur de la nébuleuse sont ensuite calculées indirectement, par déduction faites à partir des observations réalisées dans l’environnement de la nébuleuse.
Les nébuleuses selon leur origine
Les nébuleuses planétaires
Une nébuleuse planétaire est un résidu d’étoile morte. Cette étoile dont elle est issue a une masse inférieure à 10 masses solaires. À la fin de sa vie, elle devient une géante rouge qui s’éteint progressivement. Son cœur se contracte en naine blanche, c’est-à-dire une étoile morte mais encore très chaude. Et son enveloppe est expulsée dans l’espace par un vent solaire lent et régulier, pour donner une nébuleuse planétaire. La naine blanche n’abrite plus aucune réaction nucléaire, mais elle conserve une chaleur résiduelle très élevée. Cette chaleur est d’autant plus élevée qu’une naine blanche est un objet très compact. Sa température de surface (environ 10 000 K, soit environ 10 000 °C) est donc supérieure à ce qu’elle était lorsque l’étoile était dans la séquence principale (environ 6 000 K, soit environ 6 000 °C pour le Soleil). Elle rayonne donc dans l’ultraviolet, cela pendant plusieurs milliers d’années. Ce rayonnement ionise la nébuleuse, qui est donc une nébuleuse par émission. Au fil du temps, le gaz s’étend dans l’espace, jusqu’à ce que la nébuleuse ne soit presque plus visible et que la matière qui la constitue soit complètement mélangée au milieu interstellaire.
Ces nébuleuses n’ont donc rien à voir avec les planètes. Elles doivent leur nom seulement à leur forme sphérique plus ou moins régulière.
Les rémanents de supernova
Les rémanents de supernova sont des nébuleuses formées par l’explosion d’une étoile en supernova. Cela se produit lorsqu’une étoile massive (plus de 10 masses solaires) arrive en fin de vie. Elle passe également par le stade de géante rouge, comme les étoiles moins massives. Lorsque le cœur de l’étoile ne contient plus que du fer, les réactions de fusion cessent et l’étoile n’émet plus d’énergie. Plus rien ne s’oppose alors à la force de gravité, car le cœur de l’étoile est tellement massif que cette force devient supérieure à la pression de dégénérescence des électrons. C’est alors que les électrons et les protons fusionnent en neutrons de manière explosive, donnant naissance à une supernova. Le cœur de l’étoile devient ainsi une étoile à neutrons (ou un trou noir si l’étoile fait plus de 25 masses solaires), et l’enveloppe externe est violemment expulsée dans l’espace, laissant un rémanent de supernova. Les étoiles à neutrons ont une température de surface (de l’ordre de 100 000 K) bien supérieure à celle des naines blanches, et émettent donc un rayonnement X ou gamma. Ces rayonnements sont également ionisants et illuminent la nébuleuse par émission.
Les bulles de Wolf-Rayet
Les bulles de Wolf-Rayet sont des nébuleuses qui se forment autour des étoiles Wolf-Rayet (ou étoiles WR). Ce type d’étoile correspond à un stade d’évolution qu’empruntent certaines supergéantes bleues, qui sont les étoiles parmi les plus massives (de 10 à plusieurs centaines de masses solaires). Une étoile WR émet un puissant vent solaire qui souffle ses couches supérieures. La quantité de matière emportée est tellement importante que l’étoile est enveloppée d’une bulle, rendant invisible la surface de l’étoile. Mais bien qu’invisible, la surface a une température très élevée, de sorte qu’elle rayonne en ultraviolet et provoque l’ionisation de la bulle. Ces bulles de Wolf-Rayet sont des objets plutôt rares, on en compte seulement une quarantaine de notre galaxie.
Les globules de Bok
Les globules de Bok sont des nébuleuses obscures presque totalement opaques à la lumière, mais qui peuvent être étudiés dans le domaine radio ou infrarouge. Ils sont très froids (environ de 4 K, soit -269 °C), de petite taille (environ 1 année-lumière) et de faible masse (quelques dizaines de masses solaires). L’origine des globules de Bok n’est pas bien comprise, ils font encore l’objet d’études et de recherches actives. Il a été montré que ces régions subissent un effondrement gravitationnel qui conduit à la formation d’étoiles en leur sein. On les rencontre en particulier dans les régions HII (voir ci-dessous) et sont fortement impliqués dans le processus de formation d’étoiles.
Les régions HII
Les régions HII sont des nuages d’hydrogène ionisé qui se forment au sein des nuages moléculaires (voir ci-dessous). Le nuage, sous l’effet d’ondes de pression qui peuvent être provoquées par l’explosion d’une supernova dans le voisinage, subit un effondrement gravitationnel au niveau des zones de surdensité de matière. Cela conduit à la naissance d’étoiles. Les plus massives d’entre elles émettent des rayonnements qui ionisent l’hydrogène environnant. Le front d’ionisation s’étend progressivement autour de ces étoiles et forme un volume correspondant à une région dite HII. Cette région a une durée de vie comprise entre 10 et 100 millions d’années. Sans qu’on en comprenne encore les mécanismes, elles abritent généralement des globules de Bok (voir ci-dessus) à l’intérieur desquelles naissent des étoiles. Les régions HII sont donc des régions actives de formation stellaire.
Les nuages moléculaires
Les nuages moléculaires sont de vastes nébuleuses obscures constituées d’hydrogène moléculaire, c’est-à-dire d’hydrogène non ionisé. Leur formation, ancienne, remonte à celle de la galaxie qui les héberge. Ces nuages sont très froids (de l’ordre de 10 K, soit -263 °C) et relativement denses, et peuvent s’étendre sur plusieurs dizaines d’années-lumière. Ils peuvent avoir une masse totale comprise entre quelques dizaines et plusieurs milliers de masses solaires. Ces nuages moléculaires sont la matière première dont sont formées les étoiles. On peut les observer à l’œil nu par ciel clair, en regardant la Voie Lactée. On distingue des zones sombres entre les traînées claires, ce sont des nuages moléculaires.